La revue Marges lance un appel à contribution et invite les chercheurs, chercheuses, professionnel·les de musées, curatrices ou curateurs, critiques et artistes à réfléchir à l’association entre activisme, œuvres d’art, collections et institutions culturelles.
Date limite pour soumettre une candidature : 15 janvier 2024
Depuis août 2022, les collections des musées d’art sont la cible des activistes écologistes de The Last Generation. En aspergeant des œuvres d’art iconiques de différentes substances visqueuses, cette mobilisation suscite de vives réactions dans le débat public sur la légitimité de ces interventions et amène à interroger la responsabilité des musées face à la crise climatique. Or, depuis au moins le début du 20e siècle avec les attaques des suffragettes contre des musées pour revendiquer le droit de vote des femmes et l’égalité, les collections muséales sont historiquement le théâtre d’actions militantes qui méritent d’être étudiées au-delà de leur efficacité communicationnelle. Alors que les collections se présentent comme gardiennes d’un patrimoine, dans le respect des conventions et des normes de conservation, voire de protection, l’activisme représente au contraire une attitude politique visant une action directe et radicale dont le but est de perturber et de créer une réaction immédiate. Partant de ce constat, cette journée d’étude cherche à comprendre, à documenter et à analyser l’activisme dans les collections et, plus largement, les actions politiques qui ont pris pour cible l’art et ses institutions culturelles. Pourquoi l’activisme s’en prend-il aux œuvres d’art et aux musées ? À quoi s’attaque-t-il ? Quelle est sa cible ? Est-ce la conformité des collections ? L’implication des musées dans des intérêts économiques ? Le financement des collections et des expositions ? Ces attaques ne sont-elles pas qu’un prétexte à d’autres causes sociales ou politiques ? Comment l’activisme peut-il agir sur le musée ou inversement comment le musée peut-il devenir un « acteur » de changement et participer à des causes politiques et sociales ? Qu’en est-il lorsque ce sont les musées ou les organismes culturels qui programment ou commandent des interventions activistes ?
Au-delà des cas de pur vandalisme, d’iconoclasme ou d’interventions artistiques qui ponctuent l’histoire de l’art et des musées, plusieurs « acteurs » sont aujourd’hui mobilisés : les activistes, les musées, les curateurs, les conservateurs, ainsi que les artistes et les collectifs d’artistes. Lorsque les groupes d’activistes interviennent dans les collections, c’est souvent pour défendre des causes radicalement politiques et sociales, dans le cas de The Last Generation, ou pour dénoncer la complicité des musées dans des activités d’exploitation de ressources naturelles, dans le cas de Liberate Tate qui ciblait la compagnie British Petroleum. L’institution muséale peut, elle aussi, être appelée à poser des gestes politiques à partir de ses propres collections pour réagir à des évènements et se positionner, comme l’illustre le Davis Museum au Wellesley College. Plusieurs pratiques curatoriales critiques repensent radicalement les modalités d’exposition ; Maura Reilly le souligne, en 2018, dans son ouvrage Curatorial Activism, afin de remettre en cause l’autorité du canon de l’histoire de l’art tout en dénonçant son caractère normatif. Enfin, plusieurs artistes ou collectifs d’artistes associés ou non à la critique institutionnelle utilisent la collection ou l’institution comme référent, médium ou objet de dénonciation.
Ce bref énoncé donne une idée de l’étendue des questions soulevées par l’activisme et ses différents acteurs. La revue Marges invite les chercheurs, chercheuses, professionnel·les de musées, curatrices ou curateurs, critiques et artistes à réfléchir à cette association entre activisme, œuvres d’art, collections et institutions culturelles ou à étudier des cas historiques et actuels permettant de l’aborder selon différentes perspectives. Sont encouragées des formes critiques et alternatives de présentations ainsi que des approches qui mettent en lumière des corpus et des aires géographiques moins traités jusqu’à présent.
Axes de recherches
Les propositions qui recouperont les axes de recherche ci-dessous seront privilégiées :
- Pourquoi les activistes prennent-ils pour cible les œuvres d’art, les collections et les musées ? Que visent de telles actions militantes et quels impacts ont-elles ?
- Que signifie l’activisme lorsqu’il s’empare du musée ? Le musée est-il un lieu propice à l’activisme ? Est-il un acteur potentiel de changement social et politique qui participe aux débats animant les sociétés ?
- Comment les collections peuvent-elles servir des causes politiques ou sociales ? L’activisme contribue-t-il à un tournant éthique en art ? Dans le contexte où les musées cherchent à se redéfinir ou à se repositionner à partir de valeurs éthiques, les collections seraient-elles devenues un terrain de remise en question ?
- À quels risques les œuvres d’art sont-elles exposées ? Dans quelle mesure ce risque est-il souhaitable et contrôlable par les artistes, les publics, les institutions ? Comment et pourquoi une œuvre en particulier devient-elle la cible de l’activisme ?
- Qu’est-ce que l’activisme curatorial ? Vise-t-il uniquement à remettre en question le canon de l’histoire de l’art ? Où se situe l’impact des stratégies curatoriales politiques ou écologiques sur les collections, par exemple ? L’exposition des collections est-elle un espace de débat ? Peut-elle devenir un moteur de changement « durable » ?
- Quels rôles les artistes sont-ils appelés à jouer ? L’activisme se distingue-t-il de la critique institutionnelle ? Qu’est-ce que l’artctivisme ou le statactivisme ? Est-ce qu’un.e artiste peut être invité.e à faire de l’activisme dans les collections ?
Les propositions devront parvenir avant le 15 janvier 2024, sous la forme d’une problématique résumée (5 000 signes maximum, espaces compris), adressée par courriel à fraser.marie@uqam.ca. Les textes sélectionnés (en double aveugle) feront l’objet de communications de 30 minutes lors d’une journée d’étude à Paris, à l’Institut national d’histoire de l’art, le 2 mars 2024. À l’issue de cette rencontre, les versions définitives des textes devront parvenir au comité de rédaction avant le 1er avril (30 000 à 40 000 signes, espaces et notes compris). Certains de ces textes seront retenus pour publication dans le numéro 40 de Marges, dont la sortie est prévue au printemps 2025.
La revue Marges (Presses Universitaires de Vincennes) fait prioritairement appel aux jeunes chercheurs des disciplines susceptibles d’être concernées par les domaines suivants : esthétique, arts plastiques, histoire de l’art, sociologie, anthropologie, études théâtrales ou cinématographiques, muséologie, musicologie…
Membres
Jérôme Glicenstein
Professeur au Départements d’Arts plastiques et de Photographie, Université Paris 8
Marie Fraser
Professeure au Département d’histoire de l’art, Université du Québec à Montréal
Lisa Bouraly
Étudiante au doctorat, Université du Québec à Montréal et Paris VIII
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